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Guerre du Péloponnèse

Category: Livres,Histoire,Europe

Guerre du Péloponnèse Details

Thucydide a écrit la guerre des Péloponnésiens et des Athéniens, et est entré dans le détail de leurs exploits réciproques. Il a commencé son travail dès le temps des premières hostilités, persuadé que ce serait une guerre d’une grande importance, et même plus considérable que toutes celles qui avaient précédé. Sa conjecture n’était pas dépourvue de fondement : il voyait de part et d’autre les préparatifs répondre à l’état florissant auquel les deux peuples étaient parvenus, et le reste de la Grèce ou se déclarer dès lors pour l’un des deux partis, ou former du moins la résolution de s’y réunir. C’était le plus grand mouvement que la Grèce eût encore éprouvé, qui eût agité une partie des Barbares, et même qu’eût ressenti le monde entier. La distance des temps ne permet pas de bien connaître les circonstances des événemens qui ont immédiatement précédé cette guerre, et moins encore de ceux qui remontent à des époques plus reculées : mais, autant que je puis en juger, et portant mes regards jusque dans la plus haute antiquité, je crois qu’il n’y avait encore rien eu de grand ni dans la guerre ni dans tout le reste.II. On voit en effet que le pays qui porte aujourd’hui le nom de Grèce, n’était point encore habité d’une manière constante ; mais qu’il était sujet à de fréquentes émigrations, et que ceux qui s’arrêtaient dans une contrée, l’abandonnaient sans peine, repoussés par de nouveaux occupans qui se succédaient toujours en plus grand nombre. Comme il n’y avait point de commerce ; que les hommes ne pouvaient sans crainte communiquer entre eux, ni par terre ni par mer ; que chacun ne cultivait que ce qui suffisait à sa subsistance, sans connaître les richesses ; qu’ils ne faisaient point de plantations, parce que n’étant pas défendus par des murailles, ils ne savaient pas quand on viendrait leur enlever le fruit de leur labeur ; comme chacun enfin croyait pouvoir trouver partout sa subsistance journalière, il ne leur était pas difficile de changer de place. Avec ce genre de vie, ils n’étaient puissans, ni par la grandeur des villes, ni par aucun autre moyen de défense. Le pays le plus fertile était celui qui éprouvait les plus fréquentes émigrations : telles étaient la contrée qu’on nomme à présent Thessalie, la Béotie, la plus grande partie du Péloponnèse, dont il faut excepter l’Arcadie, et les autres enfin en proportion de leur fécondité

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Que connait-on de Thucydide ? Né vers 460 av. J.-C. il vécut la guerre appelée « guerre du Péloponnèse » entre les deux coalitions dirigées par Athènes et Sparte comme citoyen, comme général, comme exilé et finalement comme historien auteur de cette « guerre du Péloponnèse » qu'il laissa inachevé à sa mort (assassiné ?) vers 397 av. J.-C.S'il ne s'était agi que de la relation de faits de guerre j'y aurais porté bien moins d'intérêt. Certes les faits de guerre existent mais et il s'avère que l'intérêt est pour moi aussi ailleurs.Je suis en effet admirative devant cette oeuvre gigantesque (à ne pas classer dans la « littérature scolaire ») qui m'a fortement étonnée à plus d'un titre :1° L'intelligence des principaux protagonistes n'a rien à envier à celle de nos contemporains (et même bien au contraire souvent).J'aurais en effet volontiers imaginé, à tort, qu'à cette époque aussi ancienne les esprits étaient un peu plus frustres que maintenant, qu'ils n'étaient pas autant capables de finesse et d'intelligence dans leurs raisonnements. Il n'en est vraiment rien.Si « La guerre du Péloponnèse » est bien un récit de conflits armés, de faits guerriers, Thucydide laisse une large part dans son récit à la relation des tenants et aboutissants de ce que les uns et les autres ont entrepris, de ce qu'ils expriment dans des discours pleins d'éloquence et souvent avec un sens aigu de la stratégie.Ces discours sont vraiment pour moi remarquables et contiennent des raisonnements et enseignements dont il serait bon de continuer de s'inspirer de nos jours. Il y a largement matière à réflexion.On voit aussi à quel point la victoire ou la défaite peut dépendre de la plus ou moins grande conviction des protagonistes dans leurs discours, de leurs tergiversations, de leur manque de lucidité ou au contraire de leur grande qualité de stratège, mais aussi de conditions extérieures (un tremblement de terre ou une éclipse de lune par exemple qui eût pour conséquence la déroute d'Athènes à Syracuse et précipita sa défaite finale).Quelques phrases parmi bien d'autres qui sont autant de citations à méditer :« Le secret du bonheur est la liberté. Le secret de la liberté est le courage»« Du fait que l'?tat chez nous est administré dans l'intérêt de la masse et non d'une minorité, notre régime a pris le nom de démocratie»« Il est dans la nature de l'homme d'opprimer ceux qui cèdent et de respecter ceux qui résistent »« Un homme qui ne se mêle pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile »« L'épaisseur d'une muraille compte moins que la volonté de la franchir »« Le meilleur moyen de vivre en sécurité c'est d'éviter autant que possible d'avoir à se repentir de ses complaisances envers ses ennemis ».2° J'ai été étonnée de constater que toutes ces péripéties de guerre se passent sur un terrain aussi peu étendu que celui de la Grèce (il y a toutefois aussi un champ de bataille déporté en Sicile) où toutes les villes concernées sont à des distances plutôt faibles les unes des autres. Athènes et Corinthe sont distantes de moins de 100 km et il y a environ 200 km entre Athènes et Sparte. Les allées et venues des armées sont quasi incessantes pendant 30 ans dans un périmètre relativement réduit.3° J'ai constaté également que ce qui m'apparaissait comme devant être de toute petites bourgades sont décrites de fait comme étant de petites villes avec leurs fortifications.4° J'ai constaté avec étonnement le nombre important des forces en présence, tant le nombre des soldats que celui des bateaux.Un exemple en 413 les Athéniens, qui ont déjà trente navires autour du Péloponnèse, prennent la route pour la Sicile avec soixante-cinq navires et 1200 hoplites. Ils seront face à quatre-vingt trières de la flotte syracusienne.Et malgré la répétition importante des pertes tant humaines que matérielles, les cités en présence arrivent continuellement à mobiliser des moyens qui paraissent importants comme s'ils se renouvelaient avec facilité.Je précise bien à ce niveau que je ne mets en aucun cas en doute les récits de Thucydide, j'ai simplement du mal à en réaliser la réalité tangible. Toutefois les armées des belligérants étaient constamment renforcées par des soldats issus de peuples plus ou moins lointains au nombre considérable, dans ce temps où les habitants de presque chaque cité étaient individualisés comme un peuple.5° Ce qui m'est apparu aussi frappant, mais ne m'a cette fois pas étonné c'est le rôle des femmes réduit quasiment à néant, les femmes des vaincus subissant bien souvent le sort des hommes, exterminées ou réduites en esclavage.J'ai noté cette seule péripétie où on les voit avoir un rôle actif :« Il y eut un nouvel engagement, dont les démocrates ... sortirent victorieux. Les femmes les secondèrent avec intrépidité en jetant des tuiles sur l'ennemi du haut des toits. Elles soutinrent le fracas des armes avec un courage au-dessus de leur sexe ». No comment ...A leur sujet Denis Roussel nous précise dans une note que le code Napoléon ne leur reconnaîtra pas beaucoup plus de droits que la loi athénienne.Voici maintenant à titre d'exemple deux épisodes du Livre III particulièrement remarquables :- la question de la mise à mort des Mytilèniens réclamée par Cléon dans un discours percutant dont bien des sentences sont à méditer. Face à lui son contradicteur, Diodotos, réfuta point par point les thèses de Cléon. A l'issue d'un vote l'une des 2 motions l'emporta de très peu ... (III chapitre 2 - 36 à 49).- l'épisode des Platéens qui s'étaient rendus aux Péloponnésiens et qui, accusés par un tribunal, risquaient d'être exécutés.C'est deux hommes de Platée qui se présentent pour défendre leur cause devant le tribunal et ils font, selon moi, un discours absolument remarquable avec des arguments forts et potentiellement très convaincants aux fins d'être sauvés.Les Thébains interviennent ensuite pour contrecarrer point par point les arguments précédents d'une façon non moins convaincante et tout aussi remarquable.A l'issue de ces 2 discours les Lacédémoniens tranchèrent ... (III chapitre 2 - 53 à 58).Les uns furent sauvés, les autres non ...En ce qui concerne les faits de guerre proprement dits Thucydide est aussi plus qu'étonnant.On pourrait croire qu'il a inventé le cinéma et les mouvements de caméra tellement ses descriptions sont précises, alternant les plans d'ensemble, les panoramiques et les zooms sur des zones précises. Et lors de l'assaut d'une ville c'est comme si rien ne lui échappait, il nous décrit ce que verraient des caméras disséminées un peu partout et de plus il dissèque les stratégies des deux camps, leurs hésitations, leurs motivations. On peut imaginer soit qu'il avait une armée d'informateurs qui venaient le renseigner, soit plus vraisemblablement qu'il a enquêté a posteriori en ne laissant quasiment rien dans l'ombre, d'autant plus que quand il ne sait pas quelque chose il le précise, et c'est rare.Autant dire que cette profusion de précisions m'a permis quasiment de « voir » les combats ou au moins de m'en faire une image assez précise, et de ce fait leur répétition n'a pas été pour moi une lecture fastidieuse ou répétitive.C'est en septembre 411 que le récit de cette guerre s'achève très brutalement et la dernière phrase en est même inachevée. La guerre se poursuivra jusqu'en avril 404 par la défaite complète d'Athénes. Thucydide aurait en principe pu en terminer l'histoire, sa mort étant estimée vers 396 av J.C., aussi la raison pour laquelle son oeuvre est restée inachevée reste un mystère.Mais même sans cette fin cette oeuvre exemplaire est pour moi un chef d'oeuvre.Cette édition comprend à la fois une introduction très pertinente de Denis Roussel, lequel est le traducteur et le rédacteur de notes en fin de volume nombreuse et détaillées (135 pages). Ces notes sont suivies d'un index des termes politiques, militaires, techniques, d'un index des noms propres et de plusieurs cartes. Et la narration de Thucydide est elle-même précédée d'une préface de qualité de Pierre Vidal-Naquet. Celui-ci évoque notamment cet avis d'un érudit, Pierre Charles Lévesque, qui en avait publié une traduction en 1795 : « Thucydide est de tous les historiens, celui qui doit être le plus étudié dans les pays où tous les citoyens peuvent avoir un jour quelque part au gouvernement ». Je pense de même vu le bien bas niveau de nombre d'entre eux.

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